Au-delà de la matière, de l’immuable au flexible, vidéo hd, 31 minutes, Couleur.
L’œuvre relate l’expérience de jeunes étudiants – militants du Génépi qui ont mis en place des ateliers photographiques auprès de détenus du centre pénitencier de Réau en Seine-et-Marne. Au-delà de l’apprentissage technique de la photographie argentique, ces rendez-vous hebdomadaires se sont révélés être des instants d’échanges informels mêlant joie, peine, incompréhension, consternation, révolte, déni, résignation et remise en question.
La vidéo met en perspective deux temporalités ou plutôt deux espaces temps différents qui se rencontrent : le premier, restreint et contraint, semble destiné à un futur inéluctablement déterminé tandis que le second, flexible et ouvert, semble explorer le champ des possibles. Au-delà de la matière ne cherche pas à questionner les conditions carcérales en tant que telles, mais plutôt à interroger les systèmes de domination qui se matérialisent et se consolident. La parole et l’image sont ici des médiums de rapprochement d’univers apparemment distincts et de dépassement des frontières.
Jouant sur l’imaginaire carcéral, l’œuvre s’ouvre sur une citation tronquée du détenu Elie Y. puis une musique hip hop saturée s’efface au profit des paroles des membres de l’association Génépi. La prison laisse place aux vécus. Les mots se juxtaposent et d’additionnent pour finalement revenir à la pulsation initiale, celle de la matière et du mécanisme. Les images, quant à elles, se superposent et se déclinent en trois perceptions de la prison. Apparaissent d’abord des images du « dedans », tournées et diffusées par des détenus de différentes prisons françaises. Puis celles du « dehors » : c’est à la lisière que je me tiens, par un plan fixe tremblant de l’entrée du bâtiment de Réau. Apparaît aussi l’« entre-deux », celui d’une jeunesse ouverte au champ des possibles, des militants-étudiants filmés au cours de leurs réunions en amont et en aval des sessions d’atelier auprès des détenus. Un jeu de cadre et de perspectives dessine une confrontation du « dedans » au « dehors », de vies semblant immuables à des vies encore flexibles, jusqu’à inscrire une confusion. Les visions ou espace-temps se confondent, les vies s’entremêlent … et pourtant une imperméabilité des univers semble résister.